Lexique

Antispécisme

L’antispécisme est une conception intellectuelle qui rejette toute hiérarchie entre espèces, spécifiquement entre l’animal et l’homme. Il se traduit la plupart du temps par un activisme radical contre l’exploitation animale, et donc contre tous les produits qui en sont issus : viande, mais aussi produits laitiers, cuir, laine, ou produits incluant de la cire d’abeille, de l’os, de l’ivoire, de la graisse…

Appropriation culturelle

Désigne l’adoption d’attributs issus de cultures supposées oppressées par un individu qui n’en est pas issu (vêtement, coiffure, coutume…). L’appropriation culturelle est jugée comme une usurpation par le wokisme. Elle repose sur le principe que chaque ethnie est habilitée à adopter exclusivement sa culture et pas celle des autres. Un déguisement festif, une inspiration artistique peuvent ainsi mener au cancel. Une cible typique de cette indignation est le port par des blancs de dreadlocks, coiffure supposément volée aux noirs.

Cancel culture

La cancel culture consiste à boycotter et à tenter de mettre au ban de son domaine une personnalité ou un organisme dès lors qu’on leur reproche un propos ou un comportement jugé intolérable par rapport au dogme woke. Le “coupable” doit disparaître avec l’ensemble de son œuvre, sans possibilité de débattre et n’a plus droit de cité quelles que soient les justifications qu’il apporte ou le contexte dans lequel il a agi.

Cisgenre

Un mot fréquemment utilisé par des militants woke dans des discours ayant trait au genre (voir théorie du genre). Il désigne une personne qui s’identifie à son genre de naissance, quelqu’un qui n’est pas transgenre, soit quelques 99,7% de la population française.

Dans un prisme de lecture woke, être cisgenre est un privilège, qui vient avec des préjugés à déconstruire sur le genre et le sexe. Sans que ce soit utilisé directement comme une insulte, c’est un qualificatif qui rejoint les autres caractéristiques du modèle de société oppressif occidental, avec le fait d’être blanc ou hétérosexuel.

Déconstruction

La déconstruction part du postulat que l’oppression sociale des uns sur les autres est intégrée à la culture des sociétés occidentales, qu’elle est le fruit d’une “construction” qui se transmet même involontairement dans l’éducation et les institutions. Tout comme l’individu ou la culture supposés oppressifs ont “appris” à discriminer, ils doivent désapprendre et se “déconstruire” par l’éducation afin de libérer les personnes qu’ils oppressent.

Écriture inclusive

L’écriture inclusive est une remise en cause des règles grammaticales et syntaxiques de la langue française, en raison de la prédominance masculine qu’elles donneraient au langage, minorant le genre féminin et niant les genres autres (ni masculin ni féminin).

L’écriture inclusive fonde sa réflexion sur une assimilation du genre grammatical à la caractéristique sexuelle ou de genre : “une” voiture est une femme, un “chef” est un homme, etc. En vertu de quoi, la féminisation des noms ou l’introduction d’un genre générique permet de neutraliser la langue et de la rendre plus inclusive. “Chers lecteurs” devient “Cher.e.s lecteur.rice.s”.

L’Académie française et de nombreux linguistes ont exprimé leur scepticisme voire leur rejet à l’égard de l’écriture inclusive.

Formation inclusivité

Les formations à l’inclusivité sont des formations pour sensibiliser les employés des organisations à la notion de diversité au sein des entreprises, et peuvent être déclinés sous diverses appellations commerciales telles que “formations à l’égalité hommes-femmes” ou “ateliers inclusion et diversité”.

Ces sessions sont le plus souvent proposées aux entreprises par des organisations externes, et peuvent être influencées par une terminologie woke, ouvrant à la discrimination positive, à la déconstruction de genre, à l’espace de travail conçu comme un safe space… Autant d’idéologisations de l’espace professionnel qui tiennent plus du business de consultants que de la véritable amélioration des conditions de travail.

Inclusif

De l’intégration de personnes handicapées ou discriminées, intégration qui suppose de les mettre au même niveau que tout citoyen, les wokes sont passés à l’inclusion, ou à son stade plus actif qu’est “l’inclusivité”. Dans cette conception, il faut faire davantage que la normale pour assurer aux groupes opprimés une situation… normale.

Car dans notre société raciste/sexiste/validiste, l’entreprise est conçue pour exclure les noirs, les femmes, les handicapés. Il faut donc qu’elle assume une refonte pour se purifier de ses oppressions, en faisant de l’inclusion une valeur centrale : cela peut passer par du coaching et des stages dédiés, par un recours à la déconstruction ou au militantisme, par l’instauration de quotas, ou de façon plus informelle, par une pression exercée sur les personnes et organisations considérées comme non-inclusives.

Intersectionnalité

Selon ce concept, les personnes issues de minorités peuvent subir simultanément plusieurs types de discriminations. Aucune n’est supérieure à une autre, mais chacune se cumule. Une femme noire lesbienne est par exemple discriminée à triple titre.

Forgé par Kimberlé Crenshaw en 1989, l’intersectionnalité concerne initialement les femmes afro-américaines, exclues du combat féministe car victimes de racisme aussi bien que de sexisme.

L’intersectionnalité génère des contradictions au sein même du mouvement woke : appelant à la convergence des luttes minoritaires dans un même mouvement, elle implique en même temps que les sous-catégories minoritaires ont des intérêts propres, d’où le besoin de s’organiser entre elles, par exemple dans des contextes de non-mixité.

Mansplaining

Le mansplaining est un concept qui peut être rencontré sur les réseaux sociaux, en entreprise, dans le débat public : il fait allusion au fait pour un homme d’expliquer à une femme un sujet où il est moins compétent qu’elle, souvent en commençant par du manterrupting (interruption par l’homme en question du propos de la femme).

On dira que pourtant, les cuistres ou maladroits existent dans les deux sexes et leurs victimes aussi. Mais dans un prisme woke, où le tort est défini par l’oppression sociale, c’est quand une femme est victime d’un homme que le litige mérite d’être considéré. Le concept peut d’ailleurs être allègrement étendu au gré du caprice militant pour disqualifier tout contradicteur masculin, même si sa compétence est établie et son propos juste.

Et si ces lignes avaient été écrites par un homme ? Est-ce que vous ne venez pas finalement de lire du mansplaining sur le mansplaining ?

Mégenrer

“Mégenrer quelqu’un” correspond au fait de lui attribuer un genre qui n’est pas le sien : appeler “monsieur” une femme, affecter un homme à une option féminine dans une activité, et vice-versa. Même quand c’est une erreur de bonne-foi, c’est considéré comme une offense importante lorsque cela touche des personnes transgenres ou non-binaires, dont l’apparence peut parfois être trompeuse quant au genre auquel elles s’identifient. Mégenrer une personne trans rentre ainsi dans la catégorie des “micro-agressions” et est sévèrement jugé comme manque de respect et source de traumatismes.

Micro-agression

Forgé dans les années 1970 par des sociologues américains, ce concept très contesté renvoie à des propos et comportements quotidiens qui constituent des actes oppressifs. S’étonner d’un accent ou d’une absence d’accent chez une personne racisée, demander une origine ou faire mine de l’ignorer, refuser de considérer les spécificités d’une culture ou les mettre en exergue… Tout ceci peut constituer autant de micro-agressions car elles font se sentir à part de la société les minorités qu’elles ciblent.

C’est une idée pernicieuse et qui a été largement critiquée car elle introduit une subjectivité à fleur de peau dans les relations sociales, y compris au travail : une maladresse, une remarque neutre peuvent être prises comme signes d’oppression dès qu’on décide de les interpréter comme tels. L’encouragement d’une espèce de paranoïa militante mène alors à une dégradation des relations entre individus, et finalement à un véritable communautarisme s’il devient impossible de communiquer sans se soupçonner de telle ou telle oppression.

Néo-féminisme

Le féminisme est un mouvement social qui a pour but de supprimer les inégalités entre les hommes et les femmes. Ainsi, ce mouvement revendique la reconsidération de certains droits au profit de l’égalité des sexes, et en propose également de nouveaux. On recense quatre vagues de féminisme.
Certains considèrent que ce mouvement s’est aujourd’hui muté en « néo-féminisme ». Celui-là se différencie du combat originel par une tendance à essentialiser les hommes, même sans histoire ou bien intentionnés, comme naturellement oppresseurs et dangereux (voir déconstruction et racisme systémique pour cette logique).

Privilège blanc

Le privilège blanc désigne l’avantage social qu’une personne blanche retire par rapport à une personne non-blanche – quel que soit le régime ou le cadre légal égalitaire de la société dans laquelle il vit – suite à l’oppression du reste du monde par l’Occident via la colonisation ou l’esclavage.

La notion de “privilège” est centrale dans le wokisme, et s’étend à l’orientation sexuelle, au genre, à la religion… Une personne est privilégiée, qu’elle le veuille ou non, dès lors qu’elle appartient à une “majorité” de la société occidentale : blanche, hétérosexuelle, chrétienne ou athée, etc. Si théoriquement, elle considère la donnée socio-économique, dans la pratique cette donnée passe après les autres critères. Une gauche plus “traditionnelle” critique justement le wokisme pour cela, d’où la critique fréquente envers une “gauche qui a abandonné les classes populaires”.

Racisé

La racisation est un concept pensé par la sociologue Colette Guillaumin dans un ouvrage daté de 1972 : L’idéologie raciste. Le racisé est une personne que la majorité ethnique de la société assigne à une race particulière. Dans l’acception woke, il désigne donc toutes les personnes non-blanches et perçues comme telles dans l’œil de la société, étant donc naturellement stigmatisées ou discriminées.

La racisation permet de réintroduire la notion de race dans un contexte social et républicain où il était admis qu’elle n’existe pas ou ne doit pas être prise en compte. C’est un bouleversement du contrat social qui fonde notre démocratie.

Racisme systémique

Le racisme systémique définit la discrimination qui imprègne la société et les institutions occidentales, en dépit d’un cadre législatif et démocratique d’apparence égalitaire. Consciemment ou non, ces sociétés défavorisent structurellement les minorités, selon le wokisme, en matière de répression des délits, d’accès au logement, de considération sociale…

Par extension, ce “systémisme” s’étend à la discrimination structurelle envers les minorités sexuelles, religieuses, etc. Une discrimination non-systémique ne mérite pas ou peu de considération, ce qui mène à nier l’existence d’un racisme anti-blanc ou d’un sexisme misandre.

Safe space

Le terme « safe space », que l’on pourrait traduire par “espace protégé”, prône le regroupement de personnes minoritaires entre elles, en cercle fermé afin de pouvoir échanger librement, sans jugement extérieur ni “agression”.

Les safe spaces LGBT existent dans certains campus américains. Mais leur concept est parfois considéré dans le milieu de l’entreprise.

Théorie du genre

La “théorie du genre” est le nom souvent donné à une conception qui distingue strictement le sexe biologique d’une personne et son genre, sa façon de se comporter comme homme ou femme, qui relève pour partie d’une construction sociale. Le genre d’une personne se définit, selon cette théorie, par pur ressenti personnel, indépendamment du sexe biologique.
Cette théorie du genre énonce donc qu’il existe deux sexes mais une infinité de genres que chacun est libre de s’attribuer et qui peuvent définir sa sexualité ou son comportement en société.
Le wokisme admet cette théorie comme un dogme contre lequel il serait rédhibitoire de s’inscrire. Le genre étant culturel, le wokisme suppose que la société l’enseigne aux individus, et que les enfants devraient y être sensibilisés suffisamment tôt pour ne pas être influencés.

Comme “wokisme”, l’expression “théorie du genre” est une catégorie d’analyse, pas une étiquette dont des gens se revendiquent massivement. Elle renvoie au présupposé majeur des gender studies, ensemble de recherches universitaires qui partagent la conception expliquée plus haut.

Trigger warning

On connaît une forme “basique” de Trigger Warning (ou “TW”), avec l’avertissement “réservé à un public averti” au début de certains films ou “déconseillé aux épileptiques” pour certains clips et jeux vidéo. C’est en somme un avertissement au début d’un contenu, sur des sujets pouvant être à risques pour la sensibilité de certains spectateurs.

Le TW prôné dans le militantisme woke est une extension de ce principe : selon la sensibilité du militant il faut prévenir si une oeuvre évoque des violences sexuelles, des propos racistes, ou même une situation raciste ou sexiste, voire une mention de stéréotypes de genre ou de vecteurs de phobies (trous, espaces clos, foule). Comme les microagressions, adopter ce principe (dont la recherche tend à prouver l’inefficacité) au-delà de la simple prudence raisonnable mène à une tension constante dans les interactions sociales et dans le partage de contenu.

Les exemples les plus courants se sont vus dans un contexte scolaire, mais il arrive que cela soit aussi revendiqué au travail, particulièrement dans le secteur de la culture (voir cancel culture et micro-agression).

Validisme

Le validisme est l’idée selon laquelle le fait de traiter socialement voire médicalement les personnes handicapées est une démarche oppressive de la part des personnes valides, tendant à imposer une norme injuste et violente.

La pédagogie sanitaire autour du surpoids et de ses risques, ou le fait que tous les espaces ne soient pas accessibles à des fauteuils roulants, pourraient ainsi être taxés de validisme.

Véganisme

Le véganisme refuse toute exploitation animale et la consommation de tout produit d’origine animale. Sans nier une hiérarchie entre les hommes et les animaux, il prend pour fondement une morale anti-exploitation plutôt qu’antispéciste. Un antispéciste est souvent végan, mais un végan n’est pas forcément antispéciste.

Woke

Le terme “woke” (“éveillé” en anglais) désigne la conscience de discriminations intégrées à la culture des sociétés occidentales. Être “woke”, c’est percevoir les discriminations vécues par une minorité (ethnique, sexuelle, religieuse) dans toutes les expériences de la vie en société. Par extension, le mot désigne les individus et mouvements agissant pour la dénonciation de ces discriminations ainsi que pour la réclamation d’aménagements compensatoires pour les minorités.

Woke-washing

“woke-washing” renvoie à un comportement de la part d’une entité publique (personnalité, institution, entreprise) qui adopte des positions woke afin de se faire bien voir d’un segment marketing que cela séduirait. Le wokisme en tant que nébuleuse théorique n’a pas d’adhésion massive, mais la revendication de radicalité ou de justice qu’il inspire permet de faire bonne figure auprès du public.
Plus grave, les marques peuvent ne pas être dans la simple hypocrisie morale, mais aller jusqu’à utiliser la communication woke pour détourner l’attention de leurs activités moins glorieuses : la communication ultra engagée de Ben & Jerry’s a ainsi longtemps occulté les conditions de traitement scandaleuses d’enfants migrants employés pour produire leurs célèbres glaces.
On observe le même phénomène avec le “greenwashing” (pour l’écologie), le “pinkwashing” (pour les LGBT et minorités sexuelles/de genre) ou le “blackwashing” (avec des personnes noires).